Management intégral

Publié le par comm-on.over-blog.com

L'art de diriger les hommes a-t-il atteint ses limites? Comment le rendre plus "humain"? La chronique de Tristan Lecomte.

Le management se définit comme l'ensemble des techniques d'organisation qui sont mises en œuvre pour optimiser l'administration d'une organisation. Ceci comprend l'art de diriger des hommes.

Les origines du management, avec James Taylor, ne remontent qu'à une centaine d'années et la grande majorité des théoriciens du management moderne sont issus des années 1960 à 1990. Le management n'est donc qu'un ensemble de techniques élaborées très récemment, par des économistes mais aussi des consultants, ou tout simplement des entrepreneurs "qui ont réussi" et dispensent leurs recettes.

Le management s'est ainsi progressivement imposé comme une science humaine pour diriger une entreprise et des hommes. Ces techniques sont utilisées dans le monde entier et érigées comme valeur de loi pour la gestion de relations humaines. Mais c'est précisément parce que le management se limite à n'être qu'un ensemble de techniques sans vision plus profonde et intérieure qu'il trouve actuellement ses limites dans sa forme classique.

On a gommé dans ces techniques toute prise en compte de la dimension intérieure et spirituelle de l'Homme. Il ne s'agit pas de parler religion, mais de prendre en compte les aspirations profondes de chacun à s'élever, à tendre vers un idéal. Nous partageons tous ces aspirations et ces valeurs. L'organisation doit les reconnaître et les valoriser pour réellement arriver à cette "optimisation" des ressources. Pourquoi avoir fait table rase des sagesses anciennes, de la philosophie et de nos grands idéaux politiques dans les entreprises? Où serait le mal de vouloir partager ces idéaux pour mieux parler à l'Homme au jour le jour, dans le cadre de son travail?

C'est parce que le management se limite à n'être qu'un ensemble de techniques qu'il trouve actuellement ses limites.

Du lundi au vendredi, le management nous réduit tous à n'être que des "salariés" ou "patrons", investisseurs, clients, consommateurs... Nous sommes des étiquettes, des fonctionnalités, rien de plus. Ceci dans un objectif de pragmatisme et d'efficacité alors que la non prise en compte de cette profondeur chez l'homme, non seulement le démotive et l'étouffe, mais limite la performance collective de l'organisation.

Comment justifier que l'on veuille ainsi nier l'existence chez chacun d'un cœur et d'aspirations profondes à la vérité et à l'amour et éviter qu'elles ne puissent s'exprimer et donner du fruit dans le cadre de son travail? Certains termes trop empathiques seraient rayés du dictionnaire du management, afin de ne pas perturber l'organisation, alors même que c'est cette amputation de la pleine dimension de l'Homme qui est à la source de frustrations et de problèmes organisationnels.

On affiche mécaniquement des valeurs, une culture d'entreprise que l'on ne vit pas de l'intérieur, un message publicitaire qui ne parle qu'au superficiel ou à la satisfaction de besoins non essentiels. On limite la prise de parole des dirigeants à un exercice de style, de redondances réthoriques, alors même que tout le monde est en attente de messages vrais et authentiques.

Il n'existe aucune justification du bien-fondé de la castration de cette dimension profonde de l'Homme au profit de l'économie. C'est peut être même la cause de la crise économique actuelle, qui est profonde et identitaire. Il faut redéfinir le sens de l'économie et du management, de la réussite en un mot. L'entreprise ne fait plus rêver, elle va même jusqu 'à tuer, elle étouffe. La difficulté à faire adhérer tant au message institutionnel qu'aux produits d'une entreprise est de plus en plus grande, les frais publicitaires de plus en plus coûteux pour recruter, parce que le message est creux.

On ne peut plus se satisfaire de ces messages incantatoires mille fois répétés, il nous faut plus pour être touché. Il est temps de redéfinir ce qu'est le management. Il faut réhabiliter la prise en compte de la dimension intérieure de chacun et de tous collectivement. Pour cela, les techniques ne suffisent pas, il s'agit d'y mettre de soi véritablement, de commencer par soi, en laissant s'exprimer ses véritables aspirations. Ceci peut se faire très simplement dans le cadre de nos activités professionnelles sans faute de ton. L'attente de tous est grande pour parler d'une vision, d'un idéal et de valeurs, l'accueil est toujours très favorable à un discours authentique. Les conséquences sont elles aussi inégalées sur le plan de la performance collective de l'organisation, adhésion et motivation.

Il est temps de redéfinir ce qu'est le management. Il faut réhabiliter la prise en compte de la dimension intérieure de chacun et de tous collectivement

Le management doit résonner à l'intérieur de chacun de nous pour continuer à nous motiver. Il doit proposer un horizon d'objectifs élargis, tant extérieurs qu'intérieurs, individuels et collectifs, accompagnés d'outils de mesure concrets. Il laisse l'opportunité à chacun d'intégrer et d'exprimer ces différentes dimensions de réalisation de soi. Le rapport Stiglitz préconisait d'introduire le bonheur comme agrégat de mesure de croissance de notre économie, pourquoi pas aussi comme mesure de la performance d'une entreprise par exemple?

Par définition l'entreprise doit répondre au mieux à la demande de ses clients. La demande a changé, elle est à présent multi-aspirationnelle, le management doit y répondre. Il faut répondre au besoin très actuel de sens profond, tant chez ses collaborateurs que chez ses clients. C'est une question d'éthique mais aussi de bon sens économique. Ainsi, le management n'est encore aujourd'hui qu'un ensemble de techniques balbutiantes et qui doit sans cesse évoluer, il n'a que cent ans, ne l'oublions pas. Il va connaître une mutation importante que les crises économiques ne feront qu'accélerer.

La première grande mutation vient de la prise en compte de la dimension intérieure de l'Homme. Le structuralisme du management a trouvé ses limites dans un certain anti-humanisme. Il va devoir intégrer la dimension intérieure profonde de l'Homme pour trouver un second souffle et participer à la construction d'un modèle économique plus désirable et plus durable.

 

Source :Tristan Lecomte/ Alter Eco (12/04/2010)

www.lexpress.fr

 

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