Les transformations de l'écosystème de l'information dans le monde du travail

Publié le par comm-on.over-blog.com

A l'occasion de la deuxième journée thématique du Digital Life Lab – le laboratoire de Christian Licoppe à l'Institut télécom dédié aux usages et à la vie numérique –, consacrée à l'attention et aux réseaux sociaux, Valérie Beaudouin, chercheuse au département sciences économiques et sociales de Télécom ParisTech, a livré une très intéressante recherche sur la circulation des écrits au travail. Comment l'écrit a-t-il pris une part prépondérante dans le travail ? Comment travaille-t-on dans un contexte de surcharge informationnelle ?

DE LA PLACE CROISSANCE DE L'ÉCRIT AU TRAVAIL

Toutes les études concordent pour dire que la place de l'écrit dans les activités professionnelles tertiaires augmente depuis une vingtaine d'années, explique Valérie Beaudouin. Que ce soit dans l'activité de management hiérarchique et transversale – où l'écrit devient une ressource fondamentale dans l'évaluation et le montage de projets  –, dans la relation client, dans le travail en débordement ou dans celuide production de soi (où il faut construire son parcours professionnel), les pratiques d'écriture et de lecture sont devenues primordiales, comme le montrent les travaux de Frédéric Moatty.

Trois outils sont devenus les principales médiations de ces activités d'écriture au travail : les applications du système d'information qui mettent l'écrit au cœur du dispositif de l'organisation, les documents (textes, tableurs et présentations) et, bien sûr, la messagerie électronique, devenue l'activité d'écriture la plus porteuse de surcharges informationnelles. Celle-ci joue d'ailleurs un rôle de pivot de la communication en entreprise : quel que soit le type d'écrit qui circule, il en reste des traces sur le mail. Le mail est devenu à la fois le lieu de circulation de tous les écrits et un outil multifonctionnel (voir les travaux de Wanda Orlikowski et Joanne Yates, ou ceux de Jérôme Denis et Houssem Assadi sur les "Usages de l'e-mail en entreprise" – qui distinguent les usages du mail selon le nombre d'interlocuteurs et selon les formes de circulation – dans l'ouvrage dirigé par Emmanuel Kessous et Jean-Luc Metzger, Le Travail avec les technologies de l'information ).

Pourquoi constate-t-on un tel flux de messages dans l'organisation ? Pourquoi y a-t-il autant de production d'écrit ? Cela est dû, explique Valérie Beaudouin, à l'essor de la logique gestionnaire, Rendre compte de l'activité devient une activité croissante de l'activité elle-même. L'écrit est une preuve opposable qui met en visibilité l'activité. Il faut aussi compter sur la complexification du travail : le travail simple a été délégué aux machines, reste à l'humain le travail complexe avec coopération et coordination (donc production d'écrit). Il faut aussi noter le développement de l'organisation en mode projet dans les entreprises où l'écrit devient le mode de coordination dans le temps et l'espace. Le coût de production de l'écrit a également fortement diminué tant dans la communication que la publication : la rareté se situe du côté de la demande et non plus de l'offre. Enfin, nous sommes dans un contexte de transformation permanente des organisations : les collectifs de travail sont en permanence en train de s'entretenir, de se reconstituer… Et pour cela, ils ont besoin également d'une production écrite.

La place croissante de l'écrit a de nombreuses incidences. Bien sûr, elle explique en partie la surcharge informationnelle et communicationnelle : les flux d'informations s'ajoutent aux flots de sollicitations… Les flux d'informations ont énormément crû, alors que les moyens de les traiter, les médiations, ne sont pas à la hauteur de ces volumes. L'autre incidence, repose sur la fragmentation de l'activité professionnelle par les interruptions, les sollicitations (rôle du mail notamment) et par les interdépendances dans les collectifs (on dépend de plus en plus des autres, et il nous faut coopérer plutôt que de travailler seul…). Face à cette surcharge d'informations, le processus de choix devient une activité à part entière : que lire, comment lire, que retenir, à qui répondre, par quel canal… ? Si on constate une forte croissance de l'écrit, il faut aussi souligner qu'elle est fortement articulée à l'oral. La réunion (qui est à la fois le lieu de coordination orale, le lieu de travail autour de l'écrit, de plus en plus soutenu par des supports écrits) est de plus en plus importante dans les agendas professionnels. Et c'est là que s'exprime toute la tension entre l'écrit et l'oral.

LES PRÉSENTATIONS : L'OUTIL DE COLLABORATION ET DU PARTAGE DE SAVOIR EN ENTREPRISE

La messagerie électronique et les présentations PowerPoint ont remplacé les autres formes de production d'écrits dans les organisations. Les présentations sont omniprésentes, elles circulent sur les réseaux, se copient, se remixent, se démultiplient… Très utilisées, elles contribuent à la surcharge informationnelle. Mais si elles sont très utilisées, elles sont aussi très critiquées. Quelle est leur efficacité pour collaborer ? Pour partager les savoirs ? La présentation est née avec le XXe siècle, rappelle Valérie Baudouin. Les présentations orales sont passées d'une situation où le contenu était intériorisé dans le cerveau de l'orateur à une présentation avec un support externe et partagé avec le public. Puis, le support de présentation est devenu de plus en plus autonome par rapport au présentateur et à la présentation. Il a tendance à devenir un support de communication à part entière : la présentation est devenue un document plus qu'un complément.

Désormais, elles ont une double fonction : elles servent à la fois de support à la présentation orale, mais elles sont aussi autonomes, porteuses de signification par elles-mêmes… Cette double fonction crée une tension très forte entre la surcharge informationnelle dont elles sont en partie les vecteurs et la perte de sens qui les constitue (car dans ces présentations, bien souvent, il manque la logique d'ensemble et les nuances… qui est délivrée de manière orale). Ces supports sont très critiqués en situation de lecture, car ils sont séquentiels, sans articulations, et portent souvent des contenus pauvres : la construction du sens est reportée sur le lecteur. En présentation orale, il y a des difficultés réelles d'alignement (entre ce qu'il y a à dire qui est continu alors que le défilé du texte se fait par blocs, d'une manière discontinue). Sans compter que pour l'auditoire, il est nécessaire d'ajuster ce qu'on entend et ce qu'on lit… Autant de difficultés qui impliquent une charge plus lourde pour le récepteur et des risques de mécompréhension.

 

Hubert Guillaud

source: www.lemonde.fr ( 02/04/2010)

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<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.<br /> <br /> La Page:MATH RENAISSANCE ITALIENNE ÉCOSYSTÈMES.<br /> <br /> LES ÉCOSYSTÈMES C'EST MATHÉMATIQUE ?<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Clovis Simard<br /> <br /> <br />
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